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Paris, Numéros 3-4 - Juillet 1992 MOT DU PRESIDENT D'AMCA Sous la présidence du Prof. Dr. D. M. Grmek, notre Association a amplement réalisé le programme prévu par le passé, grâce au dévouement sans bornes de la plupart de ses membres. Les événements historiques que nous avons vécus dernièrement et que nous vivons hélas encore - car le peuple croate continu à subir une guerre imposée - nous ont servi de catalyseur pour nous rapprocher plus que jamais. Réunis avec nos collègues dispersés à travers le monde dans l'action d' aide humanitaire, dont le seul but est d'être utile à la Croatie blessée, nous avons resserré davantage nos liens, devenus plus solides de jour en jour. Désormais, nous les maintiendrons et les approfondirons. Le 25 avril dernier, lors de mon élection à la présidence d'AMCA, j'ai émis le souhait de poursuivre la même politique qui avait été pratiquée jusqu'à présent, mais aussi, d'introduire quelques nouveautés. Une petite partie des anciens étudiants des Universités croates dispersée à travers la France, considère ce beau pays comme sa deuxième patrie. Nous ne sommes que quelques centaines ici; un des premiers devoirs d'AMCA est de rechercher tout membre potentiel de notre Association. Groupés dans les centres régionaux de Lyon, Nice, Strasbourg..., et par l'intermédiaire de leurs représentants, ils seraient en contact permanent avec le siège de Paris. Pour une coordination convenable, nous prévoyons de mettre en oeuvre, au sein de notre Association, un groupe chargé de l'information, qui signalerait régulièrement les nombreuses actions en cours. Il est important que toutes les générations de notre diaspora soient motivées par ces rencontres. Une commission responsable des activités amicales proposera des occasions intéressantes. Pour le moment, il nous reste à trouver des locaux afin de réaliser ce projet. Les relations inter-associations sont à privilégier, car une participation multiple à l'instar de la disponibilité qui nous caractérise déjà,nous permettrait d'être en mesure de prodiguer l'aide adéquate chaque fois que le besoin s'en ressent. Un de nos rôles primordiaux est aussi l'information de l'opinion publique, concernant à la fois la communauté croate et la vérité sur les événements survenus en Croatie puis en BosnieHerzégovine. Envois de lettres et de circulaires, participations aux émissions de radio et de télévision, conférences de presse, interviews de personnalités doivent être démultipliés. Une place importante est accordée à l'organisation et à la coordination des manifestations culturelles : concerts, pièces de théâtre, édition d'oeuvres littéraires. Notre rôle consiste également à établir des relations entre les Universités croates et françaises en vue d'échange de chercheurs, de collaborations scientifiques, de jumellages... En outre, il s'agit de guider les étudiants et les jeunes universitaires croates vers des bourses et des stages dans leurs spécialités respectives. Mais pour le moment, le soutien à la Croatie et à la Bosnie-Herzégovine continue à demeurer notre premier devoir, parce qu'il faut apporter une aide urgente aux populations chassées des terres de leurs ancêtres. Début juin 1992 ont eu lieu à Zagreb les Journées de l'Université. Cette occasion privilégiée a réuni les représentants d'AMA du monde entier. Une grande réception, organisée à l'Opéra de Zagreb, a été inaugurée par le Dr. Franjo Tudjman, Président de la République, qui a rendu hommage à l'élite culturelle et scientifique croate pour ses efforts en vue de propager la vérité sur la guerre causée par l'agresseur barbare en Croatie, ainsi que pour son dévouement et son aide à la population en détresse. Cette participation matérielle et morale a permis d'assurer la poursuite normale, du moins autant que possible, de la vie des instances étatiques, économiques, culturelles de la Croatie. Le Président a souligné l'importance du rôle de l'Université dans la reconstruction du pays. . Le Dr. Marijan Sunjic, Recteur de l'Université de Zagreb, par ailleurs organisateur de cet événement de grande envergure, s'est adressé à l'assistance, et par son intermédiaire aux membres de toutes les AMA dans le monde, soulignant que malgré la guerre, l'activité académique a continué en Croatie et a réalisé son programme de reconstruction et de fondation de nouvelles institutions universitaires. Le rôle de la diaspora est de première importance dans la construction de notre jeune démocratie parlementaire et dans le respect des droits de l’homme. Le Prof. Dr. Zarko Dolinar, l'initiateur et le fondateur d'AMA en Suisse, a pris la parole pour regretter l'exode des étudiants et spécialistes croates, dont le nombre dans le monde est tragique: il s'élève à 45.000. Son souhait le plus cher serait que désormais ce mouvement s'inverse. La radio, la télévision et la presse croate ont réservé une place importante au compte-rendu de ces quelques journées mémorables, qui mettaient à l'honneur l'importance de la solidarité de toute la diaspora croate lors des événements tragiques. La Croatie souveraine est féconde de forces créatrices qui font d'elle un digne partenaire au au sein de l'Europe qui est en train de se construire. Srecko HERCEG Président SALAUDS DE VICTIMES ! Lorsque les habitants de Sarajevo sortent des caves pour recevoir les vivres qu leur distribuent les forces de l'ONU, lel regroupement et leur immobilité les expose a feu des assiégeants qui ne manquent pas cette occasion d'en tuer davantage. Lorsque les "bénéficiaires de l'aide humanitaire" dénoncent ces attaques, le général Mackenzie, chef des casques bleus les accuse d se tirer eux-mêmes dessus afin de donner un mauvaise image de leur adversaire. Lorsqu'ils ripostent, Lord Carrington, le médiateur européen, se plaint, à Belgrade, de les voir violer le cessez-le-feu plus souvent qu'à leur tour. Lorsqu'en lieu et place des sandwich piégés qu'ils reçoivent aujourd'hui et de l'intervention militaire dont ils ont fait leu deuil, les assiégés réclament au moins de armes pour se défendre, la France leur répond en appelant à une conférence internationale pou la paix chargée de renégocier les frontières de Républiques et le statut des minorités c'est-à-dire, pour être clair, de faire droit au exigences de l'agresseur; Lorsque le nouveau secrétaire général des Nations Unies, M. Boutros-Ghali, voit les visages des réfugiés à la télévision, il leu trouve bonne mine, et il déclare, furieux, au membres du Conseil de Sécurité que cette "guerre de riches" mobilise trop d'attention et de ressources. Ce n'est certes pas la première fois que la communauté internationale se rend coupable de non-assistance à des peuples menacés de mort. Mais jamais peut-être la haine dei victimes ne s'était donnée ainsi libre cours. Faudra-t-il attendre vingt, trente ou cinquante ans pour que les consciences se réveillent et qu'un comité Bosnie-Croatie formé d'intellectuels prestigieux et vigilants exige l'instauration d'une journée internationale de la honte afin que le monde fasse pénitence, e qu'il ne revoie plus jamais ça ? Alain FINKIELKRAUT « LE CROATE, UNE LANGUE MILLENAIRE « Prof. Vladimir HORVAT Les dernières décennies ont été marquées par la dénomination inexacte du "serbo-croate" ou "croato-serbe", termes rentrés par ignorance dans les moeurs, admis par contrainte comme langue officielle lors de la réunion des écrivains et des linguistes serbes et croates à Novi Sad en 1954. Le pouvoir centraliste et unitaire de la Yougoslavie communiste comptait faire appliquer ainsi l'unification linguistique par la force, même au détriment de la recherche scientifique sur les langues littéraires respectives, aussi bien croate que serbe. Les livres d'auteurs qui n'étaient pas soumis à la doctrine officielle, furent interdits, ou bien détruits. La Croatie a obtenu enfin sa liberté par voie démocratique et a été reconnue par le monde. A l'heure actuelle, il est enfin possible de dire toute la vérité, concernant aussi les langues. De nombreux linguistes croates qui ne pouvaient jusqu'à présent publier leurs travaux scientifiques, ont édité depuis, un nombre important d'oeuvres relatives à la croatistique. Mais tout d'abord, pour comprendre le problème du nom-même de la langue, il faut non seulement remonter à la création de l'Etat croate, et de l'Etat serbe, mais aussi tenir compte des voies du développement de leurs langues littéraires respectives. Déjà au 9e siècle les Croates avaient leur Etat, le "regnum Croatorum". La reconnaissance internationale leur avait été donnée par le Pape Jean VIII, notifiée en 879 au prince croate Branimir. Le même pape accepta, sur la proposition de St. Methode (+885), d'introduire l'écriture slave (dite glagolytique), la Bible slave, et les livres de liturgie, préparés par son frère Constantin le Philosophe, connu alors sous son nom de moine Kiril, appelé aujourd'hui Cyrille (+869). Le glagolytique, tout comme la liturgie slave se sont étendus, mais c'est en Croatie justement qu'ils sont restés le plus longtemps en usage. La langue liturgique slave prenait ainsi des caractéristiques nationales et se rapprochait de la langue populaire croate, déjà en cours d'évolution tout comme la langue littéraire. Les Croates appelaient leur langue de leur nom croate, comme le témoignent de nombreux documents historiques. Un des plus anciens monuments gravés en langue croate est Bascanska ploca, datant de la fin du XIe siècle, dont l'écriture glagolytique fait part de la donation de Zvonimir, "roi croate". S'il existait un "roi croate", il existait forcément un peuple croate et une langue croate, d'autant plus qu'il était coutume d'identifier le peuple avec sa langue. Ainsi le pope Martinac, en 1493, a écrit, après la bataille de Krbavsko polje, que "les Turcs trouvèrent sur place la langue croate". Ce texte en glagolytique, ayant des caractéristiques linguistiques liturgicoslaves, comportait aussi celles des dialectes de la langue populaire (lingua vulgaris). Le fait identique se remarque à propos des premiers incunables croates en glagolytique, dont le Missel de 1483. Suivent ensuite quelques livres liturgiques, dont il faut mentionner le Bréviaire (Lo~inj, 1491), et sa deuxième édition le Bréviaire croate (Venise, 1493). Finalement, les écrivains de la Renaissance ont introduit la langue populaire vivante dans la littérature croate. Dès le début, la littérature s'est développée selon trois voies parallèles, reflet fidèle des trois dialectes de base dans la langue croate, le "tcha-kavski", le "kay-kavski" et le "chto-kavski". L'écriture glagolytique était en usage en Croatie, simultanément au cyrillique croate ou "bossantchitza". Dès la fin du 15e s., les caractères latins prédominent. Les écrivains étrangers et les autochtones appelaient la langue croate en latin "illyrica", "dalmatica", "s(c)lava", et compte tenu de l'ancienne écriture croate, le glagolitique. En voici quelques exemples. Le premier livre croate écrit en caractères latins est le Lexionnaire du Bernardin de Split paru en 1495. Ce livre débute en latin par: "Incipit vulgarizatio dalmatica...". A la fin du livre on peut lire dans l'explicit "Evangelia et epistole...in lingua ylliricha feliciter explicint..."(reprint, "Knjizevni krug", Split, 1991, pages 3 et 208). Il est évident que la dénomination "dalmatica" et "ylluricha" se rapportent à la même langue, le croate. Le grand humaniste Marko Marulic (Split, 1450-1524), plus connu à travers le monde comme Marcus Marulus par ses oeuvres en latin, est également le père de la littérature croate. Il est révélateur que son poème Histoire de la Sainte veuve Judith, écrit en vers croates (1521), ait été trois fois réédités en trois ans, devenu un best-seler, grâce, d'une part, aux qualités esthétiques du texte, et d'autre part, au thème actuel pour l'époque: la lutte pour la liberté. Le poète de Dubrovnik, Mavro Vetranovic, appelait en 1539 la langue du poète dalmate Petar Hektorovic, "la langue croate". Le très célèbre humaniste français Guillaume Postel (1510-1581) a prouvé sa connaissance universelle du monde en publiant environ 66 oeuvres, mais pour nous, son premier livre Linguarum duodecim characteribus differentium alphabetum... (Paris, 1938) est le plus intéressant. G. Postel, considérant que les différents alphabets sont un signe incontestable de la différence entre les langues, présente Ia langue croate et le glagolitique dans son chapitre "De lingua Hieronymiana, seu Dalmatarum aut llliriorum", et, dans le chapitre "De Tzerviana", le serbe et le cyrillique. . Bartol Kasic (Pag, 1575 - Rome, 1650) écrit le premier Dictionnaire croate en 1599, et publie la première Grammaire croate Institutiones linguae lIIyricae en 1604. Il a traduit en croate toute la Bible. Le Rituel Romain qu'il publie dans la traduction croate en 1640, fut officiellement en usage pendant presque trois siècles, plus précisément jusqu'en 1929 quand la nouvelle édition fut préparée selon le modèle de Kasic. Le rôle de Bartol Kasic, dans le domaine de la standardisation de la langue croate, est fondamental. Bien qu'il ait été lui-même de dialecte tcha-kavski, Kasic a élu comme langue littéraire le dialecte chto-kavski, langue parlée la plus étendue. Avec son Dictionnaire croatoitalien (qui nous est parvenu abîmé, sans titre ni nom d'auteur, mais dont nous avons pu prouver que Kasic en était "auteur et dont nous avons préparé la première édition à Zagreb en 1990), Kasic a été le premier à avoir fait l'inventaire systématique alphabétique des mots croates, et dans sa Grammaire, il a codifié cette langue parlée. Par la suite, les lexicographes et les grammairiens de la langue littéraire croate n'ont fait que suivre son exemple. Il est évident qu'au cours du processus de standardisation de la langue littéraire croate, depuis Kasic à ce jour, il existe une continuité sans faille. Dans son étude relative aux différentes traductions de la Bible, aussi bien en d'autres langues slaves qu'en langue croate, Kasic mentionne également les traductions serbes, mais les appelle ukrainiennes: "Des variis versionibus slavonicis, dalmaticis seu illyricis, et serbianis seu ruthenicis". L'Etat serbe et l'église serbe ont été formés au Xlle. A la place du glagolitique, la nouvelle écriture introduite était appelée le cyrillique en hommage à St. Cyrille. La langue littéraire et liturgique serbe cessa de se nourrir de la langue populaire, et prit plutôt des éléments à l'ukrainien. A cette époque, les livres liturgiques et autres, ainsi que les instituteurs, venaient en Serbie depuis l'Ukraine. La dépendance envers l'ukrainien était telle que l'Eglise orthodoxe serbe a préparé une réédition de la grammaire de l'Ukrainien Meleti Smotryski, Gramatyka slovenskyja pravylnoje syntagma de 1619. De cette façon a été formée une langue artificielle "slavenoserbe" que le peuple sans instruction ne pouvait comprendre. La langue populaire a été enfin introduite dans la littérature serbe par Vuk Stefanovic Karadzic (1787-1864). Préparant le Dictionnaire serbe (1818), il s'est servi des dictionnaires croates comme il l'affirme lui-même à plusieurs reprises, puis a rajouté "un tiers de vrais mots serbes", parmi lesquels il y a de nombreux turcismes. Sa réforme de la langue et de l'écriture cyrillique (là aussi il a suivi les propositions du Croate Juraj Krizanic, 1618-1683) a été adoptée en Serbie quatre ans seulement après sa mort (1868). Aujourd'hui, l'Eglise orthodoxe se sert encore de l'ancienne langue liturgicoslave, dont certains mots sont rentrés aussi bien dans la langue populaire que dans la langue littéraire. Cette période est marquée en 1821, par la traduction d'Osman de Gundulic, oeuvre traduite du croate en serbe. Notre petit résumé démontre qu'il existe des similitudes entre la langue parlée des Croates et celle des Serbes, mais aussi des différences entre les langues littéraires croate et serbe. Il faut tenir compte des évolutions historiques de la langue. Pendant que le croate évolue et enrichit la littérature avec les dialectes tcha-kavski et kay-kavski vivants encore aujourd'hui, le serbe reprend les éléments de l'ancien slave liturgique. C'est une des causes de leur différence, .parfois assez importante. Par exemple, le livre de contes pour enfants de l'écrivain croate Ivan Kucan Strasni kauboj, publié par la maison d'édition de renom "Srpska knjizevna zadruga", est en 1987 traduit du croate en serbe Strasan kauboj. En comparant l'original croate et la traduction serbe, on peut constater, mise à part la différence d'écriture (le livre croate étant écrit en caractères latins et le livre serbe en cyrillique), que les divergences existent pratiquement dans chaque phrase. Le fragment le plus long où les deux textes sont identiques ne comprend que trois phrases, d'ailleurs pas bien longues. Malgré de telles évidentes différences, les hommes politiques ont insisté sur l'unification de la langue. Pour cette raison, ils ont détruit toute l'édition de l'Orthographe croate (Skolska knjiga, Zagreb, 1971) et interdit en 1973 la Vue générale sur la grammaire de la langue littéraire croate (S. Babic - S. Te!ak), puis la Grammaire pratique de la langue littéraire croate (Skolska knjiga, Zagreb, 1979). Le prof. dr. Stjepan Babic, l'un de nos meilleurs linguistes, en collaborant au projet de l'Académie relatif à la "Grande grammaire de la langue littéraire croate", a publié en 1986 La forge des mots dans la langue littéraire croate. En même temps, l'académicien Radoslav Katicic a préparé la Syntaxe de la langue littéraire croate. Ces deux livres précieux étaient à l'époque interdits pour la simple raison qu'ils appelaient la langue croate par son vrai nom! Il a fallu attendre longtemps pour qu'ils soient, après impression, enfin diffusés. Ces mesures répressives ont provoqué des débats scientifiques ainsi que de nombreux articles polémiques, publiés dans des revues et dans des journaux, avec la participation active du prof. dr. Stjepan Babic, par ailleurs rédacteur en chef depuis de nombreuses années de la revue de renom Jezik, consacrée à la langue littéraire croate. Il a publié une partie de ces textes forts perspicaces dans des livres; ainsi le Manuel de la langue croate (Zagreb, 1990) contient des articles et des débats linguistiques; les articles de polémique ont été publiés dans le livre Langue croate dans le tourbillon politique (Zagreb, 1990). Le tome suivant, Notre langue croate millénaire (Zagreb, 1991), à part des articles d'experts historiens et linguistes, rapporte d'autres polémiques, ainsi qu'un choix intéressant de textes sur la langue croate écrits par d'éminents écrivains et poètes croates. Vladimir Ani6 a enfin imprimé le Dictionnaire de la langue croate (Novi Liber, Zagreb, 1991), longuement préparé, et attendu pendant quatre vingt dix ans. Cet ouvrage est riche d'environ 65.000 mots croates avec leurs accents et l'interprétation de leur signification. Vladimir Drobnjak, décédé recemment (Zagreb, 19221992), a publié l'oeuvre de sa vie, le Dictionnaire des différences entre la langue serbe et la langue croate ("Skolske novine", Zagreb, 1991) qui contient plus de trente mille différences dans le lexique et la phraséologie entre les langues croate et serbe. Pour conclure, compte tenu de ce résumé succinct, au nom de la déontologie éthique, l'existence millénaire de la langue croate est une évidence. CHARLES BENE ET L'HUMANISME CROATE "Les pays de l'Europe humaniste et chrétienne respiraient le même air, partageaient les mêmes Idéaux et se référaient aux mêmes modèles (...) Ainsi, ce poème de Sizgoric, "Sur la Dévastation des campagnes de Sibenik"; ainsi, ces lettres émouvantes, envoyées aux Papes Léon X et Adrien VI par S. Benja (1516) et M. Marulic (1522). Associant heureusement le classicisme antique et les exigences évangéliques, elles disent la détresse des populations chassées de leurs foyers; elles invitent vainement les princes européens à s'unir pour arrêter un envahisseur qui menace l'Europe elle même. Purs chefs-d'oeuvre, qui ont une étrange actualité !" M. Charles Béné, professeur émérite de l'Université de Grenoble Stendhal, spécialiste de la littérature française du XVIe siècle, auteur de nombreux articles sur les humanistes français et européens (son ouvrage Erasme et Saint Augustin, Genève, 1969, fait date). s'intéresse, depuis 1989, à l'humanisme chrétien croate de la Dalmatie, notamment à Marko Marulic, dont il a découvert des traductions inconnues en français et en anglais (cf. son article Nouveaux documents sur la diffusion en France de l'oeuvre de Marko Marulic, in Bibliothèque d'humanisme et renaissance, LII, 1990, 617-22); sur le même sujet, voir aussi ses communications aux congrès: Dani Hvarskog kazalista, 1990, 1991, 1992, à Hvar, Zagreb, Varazdin, et Okrugli stol o Marku Marulicu, 1991, 1992, à Split). Nous sommes reconnaissants à M. Charles Béné pour l'excellente traduction de l'italien en français, du texte de M. Mirko Tomasovic Lettre ouverte à Europe, parue dans le n° 2 de notre Bulletin, page 6, et dont un extrait a été publié par le journal Le Dauphiné Libéré du 19 novembre 1991. M. Leo Kosuta, bibliothécaire honoraire de la Bibliothèque Nationale, spécialiste de l'humanisme et de la renaissance, plus particulièrement de Marin Drzic, a bien voulu engager un dialogue avec M. Charles Béné, qui a répondu ci-dessous avec bienveillance, à l'intention de nos lecteurs: Leo Kosuta : Qu'est-ce qui vous a conduit à écrire sur Marko Marulic ? Charles Béné: La découverte de l'oeuvre de M. Marulic n'est pas le fruit d'un propos délibéré. Sans doute, mon travail de thèse sur Erasme, puis l'étude de la diffusion et du rayonnement de son oeuvre dans l'espace européen étaient une préparation. Mais je dois dire que jusqu'en 1989 j'ignorais tout de la littérature dalmate. Sans doute, j'avais des excuses: aucun des ouvrages français ou anglais, consacrés à l'humanisme européen (Van Tieghem, Bolgar, Gilmore; omission corrigée depuis, ainsi, J. Ijsewijn : Companion..,1977, 1990) ne faisait figurer l'ex-Yougoslavie. On évoquait, avec raison, les humanistes hongrois, polonais, tchèques, mais l'enquête s'arrêtait là. Pas un mot sur les provinces illyriennes, où l'humanisme est aussi ancien que celui de l'Italie elle-même, et dont certains représentants ont vu leurs oeuvres diffusées et traduites dans toute l'Europe. Il a fallu la rencontre du lecteur de serbo-croate de l'Université de Grenoble, Novo Tomic, pour que je découvre, grâce à l'ouvrage Hrvatski Latinisti, l'humanisme croate. Ces nombreux textes, choisis et rassemblés avec bonheur par V. Gortan et W. Vratovic, permettent de se faire une idée de la richesse et de la variété de cette littérature. En feuilletant ces poèmes lyriques et épiques, ces lettres ou ces traités, on se rend compte à quel point, les pays de l'Europe humaniste et chrétienne respiraient le même air, partageaient les mêmes idéaux et se référaient aux mêmes modèles. Comment ne pas être frappé, par exemple, par la beauté et la profondeur des pages inspirées par l'invasion ottomane? Ainsi, ce poème de Sizgori6, Sur la Dévastation des campagnes de Sibenik; ainsi, ces lettres émouvantes, envoyées aux Papes Léon X et Adrien VI par S. Benja (1516) et M. Marulic (1522). Associant heureusement le classicisme antique et les exigences évangéliques, elles disent la détresse des populations chassées de leurs foyers; elles invitent vainement les princes européens à s'unir pour arrêter un envahisseur qui menace l'Europe elle-même. Purs chefs-d'oeuvre, qui ont une étrange actualité! Mais parmi ces poètes et orateurs, M. Marulic m'est apparu comme une personnalité exceptionnelle. Car son oeuvre, qui s'adresse à deux publics: ses compatriotes (n'est-il pas le père de la littérature croate) et au monde cultivé (en latin), est un véritable miroir de son pays et de la pensée humaniste. De son pays d'abord, car la Davidiade, épopée latine, comme la Judith, épopée croate, symbolisent parfaitement le triomphe du faible sur le puissant, et sont là pour redonner courage à ses compatriotes. Son Evangelistarium, écho direct du mouvement évangélique qui marquera la première moitié du 16e siècle, trouvera des lecteurs dans l'Europe entière - le roi Henri VIII lui-même en fera, en 1530, son livre de chevet. Mais rien n'est plus frappant que la destinée de son oeuvre majeure, l'Institution bene vivendi per exempla Sanctorum, Venise 1506, qui, plus que tout autre, permet de mesurer l'impact européen de l'humanisme croate. Leo Kosuta : Comment voyez-vous l'humanisme croate par rapport à l'Europe? Charles Béné: On aurait, en effet, tort de penser que cet humanisme est resté confiné dans les provinces de Dalmatie ou d'Illyrie, et la diffusion de l' Institutio permet de mesurer son rayonnement européen. Ses éditions latines se mutiplieront après l'édition de Venise dans les pays rhénans (Bâle, Cologne, Solingen) puis dans les provinces du Nord (Anvers) et en France (Paris). Et malgré la censure qui frappera un de ses chapitres, il sera traduit en italien, en allemand (deux traductions). en français (deux traductions), en portugais, en tchèque, et cela jusqu'à la fin du XVllème siècle. Plus saisissant encore est son rôle dans les pays de persécution. S'il a servi à saint François Xavier de vade-mecum dans ses missions en Inde et au Japon (au point qu'une adaptation japonaise, le Sanctos no gosayuno paraîtra à Nagasaki en 1595), on le retrouve dans certains pays d'Europe pour soutenir les fidèles persécutés. C'est le cas dans le milieu catholique anglais resté fidèle au Saint-Siège, et poursuivi par Elisabeth 1. Saint Philip Howard, dans la Tour de Londres, où il devait mourir empoisonné, a utilisé et traduit le célébre poème dédié à Jésus crucifié qui se trouvait annexé; John Fowler, exilé de Bristol, donnera à Anvers les plus savantes, et les plus belles éditions de "Institutio. A Prague même, peu avant la bataille de la Montagne Blanche, Simon Lomnicky traduit le livre V, précisément consacré à la Patience dans le martyre. Si les échanges entre la Dalmatie et l'Italie sont aussi anciens que l'humanisme lui même (c'est en Italie que l'on va, de Raguse ou de Split, aux sources de l'humanisme; mais de nombreux humanistes italiens viennent enseigner sur la côte Dalmate), la guerre et l'invasion forcent plus d'un humaniste à s'expatrier, et on les rencontre dans les principaux foyers européens de l'humanisme et de la Réforme. En France (c'est un Croate qui a inspiré Anne d'Urfé); aux Pays-Bas (c'est un Croate qu'Erasme met en scène sous le nom de Parthenius), en Allemagne (un des plus actifs disciples de Luther est le fameux Flavius Illyricus). D'autre part, malgré la présence ottomane, les oeuvres humanistes pénètrent dans les provinces illyriennes. Il faudrait rappeler la correspondance d'Erasme avec les humanistes croates (Tranquillus Andronicus), l'admiration vouée à Erasme par Maruli6, ou ses commentaires sur Erasme en cours de publication au Cercle littéraire de Split. Leo Kosuta : Que pensez-vous du rôle que pourrait avoir AMCA pour la diffusion de la culture croate en France (dans le domaine que vous connaissez bien) ? En particulier aujourd'hui quand la Croatie est enfin devenue libre? Charles Béné : L'humanisme dans les pays slaves en général, et l'humanisme croate en particulier, restent pour le public français des "terrae incognitae" : il n'existe en France aucun ouvrage sur l'humanisme croate (pas plus d'ailleurs que sur l'humanisme polonais, tchèque ou hongrois). Combien il serait souhaitable que, dans le cadre d'une collection Figures de proue de l'humanisme européen, une place soit faite à ces humanistes des pays de l'Est dont personne ne sait rien. On connait un Pétrarque, un Erasme, un More, mais que sait-on d'un Kochanowski, d'un Comenius ou d'un Marulic? En attendant, AMCA peut contribuer à informer le public français sur les richesses et la vie de l'humanisme croate en se faisant, même sommairement, l'écho des Colloques annuels (tels les Tables Rondes sur Marulic à Split, ou les Journées du théâtre de Hvar) ou des publications des oeuvres des grands humanistes, qui n'ont jamais cessé malgré la guerre. Ces travaux, ces publications, permettent à la Croatie de retrouver son âme, à travers une littérature surtout latine qui a marqué plus de mille ans de son existence. Et l'on ne saurait, dans cette perspective, souligner le rôle irremplaçable de l'étude du latin pour ne pas laisser perdre, irrémédiablement, de telles richesses qui géographiquement concernent la plus grande partie de l'Europe. Puis-je me permettre enfin de dire ce que je dois à l'amitié et à la générosité de mes collègues de Split et de Zagreb? A M. Vedran Gligo, qui m'a procuré la collection bilingue des oeuvres de Marulic et son édition des Govori protiv Turaka qui présente les réactions des humanistes à l'invasion ottomane; à Mirko Tomasovic, qui après m'avoir offert son livre si parfaitement informé sur Marulic, me communique, jour après jour, les publications scientifiques sur l'humanisme croate; mais il faudrait aussi nommer ces collègues qui, à Hvar, m'on réservé un accueil chaleureux et m'ont offert, ou adressé, leurs travaux; qu'ils soient ici remerciés. Je me dois aussi de saluer le courage de ces Collègues qui, malgré les circonstances dramatiques, les difficultés des déplacements et les dangers, ont maintenu, en 1991 et 1992, les Tables Rondes sur Marulic (à Split) et les Journées du Théâtre de Hvar (à Zagreb et à Varazdin). La revue scientifique mensuelle Mogucnosti n'a jamais cessé de paraître, et la publication bilingue des grandes oeuvres humanistes se poursuit. Cette activité montre à quel point, dans un pays où la guerre cause tant de malheurs et de destructions, la flamme de la culture humaniste reste vivante et active. UNE DECADE ORDINAIRE EN CROATIE 1 BOSNIE HERZEGOVINE "Comme toujours, dans toutes ces villes martyres, une odeur affreuse règne et me rappelle les villes rasées que j'al connues lors de la dernière grande guerre maisons brulées, fortins, soldats croates toujours aussi résolus, population apeurée, voire atterrée devant les ravages causés par les Serbes." Pour la troisième fois en quelques mois, je me retrouve à Zagreb pour me rendre à Sarajevo où les événements se précipitent. Pour la première fois, il fait beau, et la neige n'est pas au rendez-vous, mais pour la première fois également, il n'y a plus une seule voiture à louer dans toute la ville. La meute des journalistes pour Sarajevo et les fêtes de Pâques ont vidé les "rent a car", d'autant plus que 350 automobiles sont bloquées par les combats, en Bosnie. Ayant pu louer la voiture d'un particulier, je file sur Siavonski Brod pour emprunter le seul pont non détruit sur la Sava. Arrivé à 17h, je trouve une ville déserte et le bruit des canons sur l'autre rive s'entend par roulements continus. Le seul hôtel ouvert, le Park Hotel, est presque vide. Le temps de monter à ma chambre, un obus de mortier éclate dans le petit parc, à 20 mètres de l'hôtel, mitraillant les vitres du restaurant. Le dîner (léger) sera servi à l'étage. Seuls, des miliciens armés de leurs kalatchnikovs restent au rez-de-chaussée. Quelques observateurs de la CEE (appelés les "marchands de glace" en raison de leur tenue blanche) dînent. Les voitures sont cachées entre deux murs pour éviter les éclats. Le couvre-feu est obligatoire, dans les rues noires aucune lumière, le "black out" est complet. Malgré le couvre feu, je vais, en rasant les murs, jusqu'à la Mairie. Personne. Les tirs d'artillerie et d'armes légères se rapprochent. Cela dure toute la nuit. Tôt le matin, je peux rencontrer le Maire, en réunion à la Mairie. Homme jeune, sympathique et très affable, il m'indique.. que les Serbes ont attaqué toute la nuit entre Derventa et Bosanski Brod, de ce fait toute communication est impossible vers Sarajevo. J'apprends que des chars serbes, au cours de ces combats, auraient été pris par les Croates. Le Maire m'indique que devant le flot de réfugiés venant de Bosnie, il manque terriblement de vêtements et de matériel pour les aider et lance un appel vers la France, par mon intermédiaire, pour répondre à cette urgence (appel immédiatement transmis à mon retour et en cours d'exécution). A la sortie du pont, des soldats croates me demandent de passer rapidement, car les snippers serbes tirent sur les véhicules et plus particulièrement sur les photographes (ce qui est mon cas à cet instant), arguant, parait-il, qu'ils croient voir un fusil à lunette leur tirant dessus! Je traverse Bosanski Brod, déserte, et prend la route de Derventa, déserte elle-aussi à cause des nombreux snippers serbes. A quelques kilomètres de là, j'ai trouvé les quatre chars T55 serbes pris dans la nuit et les photographie avec les soldats croates et les enfants qui les entourent joyeusement. Plus loin, la route est coupée, interdite, et je passe la journée à essayer de trouver un passage vers le sud, sans succès et avec beaucoup d'enlisements dans la boue. Partout les signes visibles de la guerre, maisons brûlées, fortins, soldats croates toujours aussi résolus, population apeurée, voire atterrée devant les ravages causés par les Serbes. Le pont vers Slavonski Brod est fermé de 17h à 7h du matin. La raffinerie de pétrole de Bosanski Brod, qui m'avait été indiquée comme occupée par les Serbes, semble vide. Les maisons détruites près du pont témoignent de la violence des bombardements et des combats. J'essaye de rencontrer l'Imam (musulman) de la mosquée, mais il est absent. Un journaliste de l'Agence GAMMA l'a interviewé et il semble que tous les responsables musulmans de Bosnie aient été mis en garde par les Serbes contre leur position de stricte neutralité dans le conflit, ils exigent, parait-il, qu'ils prennent le parti des Serbes contre les Croates. Ceci expliquerait leur extrême prudence et la difficulté de les rencontrer. Seul, ce journaliste français prénommé Jean Hakim, car d'origine libanaise et parlant arabe, a pu l'approcher et s'entretenir avec lui. Devant l'impossibilité de passer vers Sarajevo, force est de revenir à Slavonski Brod où j'apprends que les combats de la nuit dernière ont fait une quarantaine de morts du côté croate dont deux dans la ville même. Je repars pour le front Est de la Slavonie et rejoins Vinkovci, très abîmée, puis Nu1tar, sur la route de Vukovar. La petite ville est complètement détruite et seuls quelques soldats croates patrouillent dans les maisons. Du bétail mort gît dans les décombres et dans les champs. Un char détruit, sa tourelle projetée à une dizaine de mètres, occupe le carrefour principal de ce qui fut, sans doute, une jolie petite ville. Comme toujours, dans toutes ces villes martyres, une odeur affreuse règne et me rappelle les villes rasées que j'ai connues lors de la dernière grande guerre. Je vais visiter le cimetière, ravagé par les obus, les tombes retournées, ouvertes, livrant leurs mystères. Alors plusieurs coups de feu' éclatent, provenant, me semble-t-il, d'un petit bois en haut du cimetière, sans doute encore des snippers. Après quelques photos, je reviens vers Vinkovci, puis à Osijek, à une trentaine de kilomètres, qui continue à être bombardée. Là, je retrouve, comme en décembre, une ville marquée d'impacts d'obus, et dont l'air vrombit sous le passage des tirs presque permanents. Comme en décembre, la population, d'un calme flegmatique de vieux guerriers, vaque à ses occupations en évitant le milieu des rues, rasant les rues, prête à se précipiter sous les portes cochères en cas d'explosions à proximité. Ici, la vie se tient, pour une grande part, en sous-sol. Près de la Mairie, sous la grande Place, un centre commercial enterré continue tant bien que mal à végéter, les magasins aux vitres brisées sont ouverts, et le café pris sur place est excellent. Quelle vitalité, ces Croates! Retour vers Zagreb par Nasice où est l'hôpital souterrain que j'avais vu en décembre avec son flot de blessés, adultes et enfants, puis par Vocin et Daruvar où une cinquantaine de villages ont été brûlés, rasées, anéantis par les Serbes. Vision extraordinaire que celle, au milieu des ruines, de quelques villas ou fermes; intactes parce que serbes, qui semblent narguer les rares survivants. Les églises, premières visées par les assaillants serbes, comme toujours, dressent leurs moignons de clochers au-dessus des ruines sauf... les églises orthodoxes, donc serbes, qui sont restées intactes. Sommes nous donc encore au temps des guerres de religion? L'autoroute vers Zagreb est toujours coupée par les Serbes et je ne peux la prendre qu'à Banova Jaruga. La position des Serbes correspond exactement à la frontière qu'ils ont voulu imposer par les invasions, limitant la Croatie à une ligne Nova Gradiska / Virovitica, l'Est de cette ligne étant, selon eux, territoire serbe. Tout au long de cette ligne, tous les villages ont été détruits à 80 %, dans les mêmes conditions. Je laisse la route de Karlovac sur la gauche. J'y étais en février, suivant la ligne de front jusqu'à Zadar, avec toujours les mêmes spectacles de désolation. A Zagreb, j'ai pu constater, le jour de Pâques, que la cathédrale, pourtant immense, ne pouvait contenir qu'à peine la moitié des fidèles qui souhaitaient assister à l'office. La ferveur de ceux qui étaient à l'extérieur, une foule recueillie, me rappelait celle que j'avais constatée auprès des foules polonaises, aux premiers temps de Solidarnosc. Quelles conclusions tirer de tout ceci ? Tout d'abord que, depuis six mois que je sillonne la Croatie, une constante s'est imposée: partout et toujours, l'assaillant est serbe, non pas n'importe quel serbe, cette population est généralement chaleureuse, accueillante et pacifique, surtout dans les campagnes, mais les Serbes communistes, qui, eux, continuent le combat commencé en 1944 pour l'impérialisme de l'idéologie et de la religion communiste, fanatisés par "échec de l'Union Soviétique, et qui me rappellent, homme par homme, les derniers combattants nazis de 1945. Et ce sont eux qui accusent les Croates d'être des nazis! Cette accusation date d'ailleurs de 1945, proférée par les communistes serbes. Tito, bien que d'origine Croate, étaitd’abord, en 1945, un communiste, afin de neutraliser l'influence et la puissance économique croate et pour assurer dans la nouvelle Yougoslavie la prééminence de la Serbie. Une analyse fine et détaillée, objective surtout, montrera aux historiens que la Croatie a réagi à l'occupation allemande comme la plupart des pays occupés, avec un gouvernement et des collaborateurs, mais qui lui jettera la pierre? Ces propos m'ont été tenus continuellement par tous les Croates que j'ai rencontrés et même par certains Serbes de Croatie et de Bosnie. Toutes les familles qui m'ont reçu étaient ulcérées de la réputation qui a été ainsi faite à leur pays par les communistes serbes. Ce qui est navrant, c'est que les journalistes et medias occidentaux continuent à propager des idées, et même, à continuer à appeler la Serbie, la Yougoslavie, alors que ne subsiste de cette ex-fédération que la Serbie elle-même, plus, semble-t-il malgré lui, le Monténegro. Cette manière de présenter les choses par certains medias occidentaux n'est pas innocente, car elle tend à continuer à faire bénéficier la Serbie de toutes les anciennes structures, matérielles, monétaires, diplomatiques etc...de l'ex Yougoslavie. Nous devons reconnaître que le système communiste dans l'intellect des occidentaux a la vie dure! Ensuite, toujours dans cette optique, j'ai reçu de nombreuses demandes des officiels et officieux Croates de provoquer, en informant et en alertant, un mouvement d'intérêt et de participation des économies occidentales vers la Croatie, non pas pour mendier bien sûr, mais pour éviter que la Croatie passe sous la domination économique allemande. L'Allemagne est en effet le seul pays, avec l'Italie, à avoir des contacts concrets, réels, avec la Croatie. Voyez combien d'entreprises françaises étaient à la Foire de Zagreb! Enfin, la beauté de ce pays, côte Adriatique et surtout l'intérieur, la gentillesse et l'efficacité de ses habitants, les moyens en ressources économiques, industrielles, agricoles et forestières, font que, tôt ou tard, la Croatie se révèlera être région du monde. Rappelons nous que déjà, au 1ge siècle, la Croatie a arrêté l'invasion ottomane, son histoire millénaire, catholique, à écriture latine, remonte au Roi Tomislav (910-928), bien loin des oustachis et des tchetniks. Dès cette époque, la Croatie unifiée recouvrait la Dalmatie et la Slavonie, plaine entre la Sava (Slavonski Brod) et le Danube (Osijek). Accordons donc à la Croatie l'intérêt et l'importance qu'elle mérite! Printemps 1992 Jacques G. Barthélemy REMARQUE: On me signale que je n'ai pas parlé des maisons serbes brûlées par les Croates. Il est exact qu'il y en ait reparties sur l'ensemble des zônes attaquées par les Serbes. Il s'agit des maisons ou fermes appartenant à des Serbes qui ont pris les armes contre leurs voisins Croates lors des attaques serbes et qui se sont ensuite engagés dans l'armée serbe, abandonnant ainsi leurs biens. Il s'agit donc de réactions (limitées) contre ceux des habitants considérés comme traîtres à leur village et destinées à prévenir tout retour de ceux-ci. Mais la proportion de maisons ainsi brûlées reste sans commune mesure avec celle des maisons croates brûlées par les Serbes (1 sur 50 environ) compte non tenu des Eglises catholiques non orthodoxes, toujours premières visées, premières détruites, souvent minées, piégées, causant de dramatiques dégâts parmi la population croate, en particulier les enfants. « LES REVES ANEANTIS D'UN SPORTIF CROATE » Récit de Mario FILIPI A l'instant où la tension des muscles est à son extrême, où la respiration s'accélère et le coeur bat la chamade à' bout de souffle, résolument, la victoire n'appartient pas au plus fort mais à celui qui brûle du désir de vaincre. Pour atteindre le but, le grand but dont nous avions tant rêvé, il ne restait devant nous que 300 mètres. Le canoë de la puissante RDA avançait très vite. Tel le destin inévitable, la proue du géant s'approchait. Les nerfs à vifs, nous comptions sur notre résistance. Le petit barreur Zlatko Milinovic lança d'une voix glacée: .Preparez-vous pour le final ,. La proue du canoë de la RDA prenait des proportions terrifiantes: elle était de plus en plus près. Calmes et concentrés, nous savions que le but n'était qu'à 150 mètres devant nous. Etre ou ne pas être! A cet intant précis, jeunes méditerranéens de dix-huit ans, courage entre les mains, nous avons fait le sursaut décisif. Allons-y'. - mon cri, désarticulé, était clair. Mon coéquipier Jurica Rakamaric l'a saisi au vol. Nos corps, dans un seul envol, comme portés par le vent, accéleraient le rythme uniforme des mouvements harmonieux dont dépendait notre victoire. D'un coup sec, le canoë allemand s'éloigna de nouveau, puis, comme nos muscles perdaient la dernière réserve de leur force, il recommença à se rapprocher dangeureusement. Mais le but était si proche! Nous sommes arrivés les premiers, nous avons dépassé le record, David a vaincu Goliath. Les amateurs de province surpassaient Ia plus grande industrie sportive du monde. Instant enivrant! Les tribunes, pleines,hurlaient leur enthousiasme, l'orchestre jouait, les caméras et les appareils photos s'activaient. Nous sommes devenus les meilleurs du monde. L'entraîneur Nikola Corak nous a serré dans ses bras : cétait notre récompense. La victoire venait d'être remportée par l'équipe la plus pauvre, celle qui était obligée de fixer son emblème sur les maillots avec une épingle, qui n'avait ni de lieu d'entraînement ni du budget pour se spécialiser, pas d'alimentation adéquate, pas de psychologue, de masseur ni de médecin, aucun encadrement approprié pour des sportifs de haut niveau. Ce fut donc un grand jour pour nous "les pauvres du sud", ce dimanche 4 août 1968, et la glorieuse piste Bosbaan à Amsterdam demeure un souvenir inoubliable. Puis vint la détresse. Mon jeune corps, trop torturé par un entraînement de pointe et la vie précaire, devint la proie d'une grave maladie. La force abandonnait mes membres, le coeur battait au rythme de la tachycardie. Face à cette terrible évidence, je devais lutter pour sauver ma santé. Du haut de mes 19 ans j'avais une maladie qui transformait mon corps en vieillard. Ce fut une longue bataille, d'où je suis sorti vainqueur dix ans plus tard, grâce à la force de l'esprit et mon désir de vivre. Mais alors que je redevenais jeune et fort, débuta l'agonie d'un Etat dont on avait essayé de me persuader, depuis des dizaines d'années, qu'il était ma patrie. La Yougoslavie, créature composite aussi rafistolée que Frankenstein, était sur le point de se désagréger définitivement. Depuis longtemps déjà son masque s'était lézardé. Le monstre est alors apparu dans toute sa vérité. En tant qu'intellectuel persévérant qui n'a jamais voulu aliéner sa liberté de pensée au tout puissant parti communiste, je ne bénéficiais évidemment d'aucun privilège et chaque jour je m'enfonçais davantage dans la misère. Mais ce qui me manquait le plus, c'était le canoë. J'avais déjà plus de 35 ans lorsque un lieu d'entraînement fut installé à Zagreb. Souffrant en silence, je contemplais avec nostalgie le limpide frémissement de l'eau verte, et cachais ma tristesse à mon épouse Anne, à mes enfants Armand et Ariane. Tout au fond de mon âme je gardais l'espoir secret qu'un jour je pourrais peut-être, malgré l'âge avancé, de nouveau ramer. L'approche des années quatre-vingt-dix mis fin au règne du communisme et de la Yougoslavie, double cause de notre misère et de mon chagrin. Les élections libres l'ont chassé pour toujours de la scène politique. Ma patrie, la Croatie, a relevé la tête. Un nouvel espoir s'est allumé. Mais l'oligarchie serbocommuniste allait miser sur le plus terrifiant des jeux. N'acceptant pas de voir soudainement tarie la source précieuse de l'argent croate et slovène qui avait rempli depuis des dizaines d'années la "caisse yougoslave" de Belgrade, elle s'est tournée vers les canons, les tanks, les avions, les fusils, et même, le couteau…. Depuis lors, laCroatie baigne dans le sang et les larmes de victimes horriblement massacrées. Il fallait que je fasse quelque chose. Telle une goutte dans l'eau, je me suis joint à tant d'autres qui défendent comme moi leur patrie. Je savais que la surpuissante propagande serbe, avec son agence "Tanjug" en tête, ses ambassades et consulats "yougoslaves", propageait la désinformation en attribuant ses crimes monstrueux aux Croates. Ma patrie n'est pas forte dans ce jeu médiatique. Sensible au journalisme, j'ai compris où est maintenant ma place, et suis parti sur le front vers l'est de la Croatie, où l'on meurt et l'on endure les pires souffrances. J'ai passé trois mois entre les balles et les obus, mais aux pires moments Dieu m'a donné la chance de ne pas être blessé. Puis, le dimanche 13 octobre 1991, un obus m'a fauché le bras gauche et la jambe droite. J'ai pu survivre à la douleur intense et ai pu entamer une convalescence grâce à mes merveilleux amis croates et autrichiens. Mon épouse a partagé ma souffrance: sa force, ses larmes et sa fidélité sans limites, ont contribué à ma guérison, et les sourires innocents de mes enfants m'ont donné une vigueur morale. Revenu à Zagreb, ville paisible et préservée, je ne peux pas oublier qu'un tiers de ma patrie continu toujours à souffrir, victime de la terreur criminelle de l'agresseur, dans la misère qui augmente de jour en jour. Mon canoë est resté un rêve inaccessible. Le bras que je n'ai plus est un témoin constant du gouffre entre le rêve et la réalité. Je crois être l'un de ceux dont le destin ressemble à une échelle qui reste toujours en bas, mais permet à d'autres de monter. Désormais j'accepte ce rôle car je continue à me battre pour mes enfants. Ils méritent, comme tous les enfants de la Croatie blessée, d'avoir un jour une vie digne. Quant à l'aviron, ce sport si souvent dévalorisé, humilié ou méprisé de par le monde, il reste pour moi un souffle heureux de mon passé. Adaptée par Nella ARAMBASIN Tin Ujevic (1891-1955), poète croate, a séjourné à Paris entre 1913 et 1919. Il a notamment traduit du français en croate les oeuvres de Proust, Rimbaud, Gide... Dans la collection Jalons, Ed. Barré & Dayez Paris 1992, vient de paraître le recueil de ses « POEMES », choisis, présentés et traduits en français par J. Gospodnetic, traducteur inspiré, qui, par respect pour l'auteur, vient d'offrir un ouvrage d'une rare qualité. Hrvatskim mucenicima
O gdje je plod od vaseg slavnog sjemena, i da Ii kojim rodom krvca vasa rodi ! Jer roblje jos smo, snijuc o slobodi, dok smrt je blizu gluha naseg plemena ! A kukavan je Hrvat novog vremena, te pusta da ga stranac k stalnoj smrti vodi. Ne opiruc se klanju - krotko janje - hodi i ne zna sbacit groznog ropstva bremena. Al vrcnuti ce iskra iz vaseg kremena ! Ja vjerujem, ja znam ! Ta zar da uzaludu sve zrtve vam i mucenistva budu ? Da, rodit ce rod od slavnog sjemena ! A ako nece, sam cu zazvat pakla vatre da spale sve, i grom da ropski narod satre ! Tin UJEVIC (1909) . Tatjana RADOVANOVIC (née à l'île de Hvar en Croatie, poète et artiste-peintre, vit à Paris) : "A mes Ancêtres" Leurs mains - Les racines tordues des oliviers. Leurs pieds - les rochers mordus par le sel de la mer, leurs visages, l'écorce fissurée, engourdie des chênes-lièges et des sapins. APPEL POUR LA PAIX EN BOSNIE-HERZEGOVINE ET LA STABILITE DES BALKANS Depuis la reconnaissance internationale de la Bosnie-Herzégovine en tant qu'Etat indépendant, la violence exercée par l'ex-armée yougoslave et les troupes paramilitaires serbes, s'est intensifiée dans cette région en une agression ouverte. Des douzaines de villes et de villages ont été brûlées ou rasées. La capitale Sarajevo et d'autres grandes villes comme Mostar, sont constamment sous le feu des armes et des tirs au mortier, sans compter les attaques aériennes. Mosquées, églises catholiques, monuments culturels, hôpitaux et centres de télévision sont intentionnellement bombardés. Parmi les civils innocents, surtout des Croates et des Musulmans, morts ou blessés se comptent par milliers. Les habitants des villes assiégées par les forces serbes agonisent, lentement affamés. Plus de 600.000 réfugiés et personnes déracinées ont été obligés de quitter leurs foyers; leur nombre n'a cessé de croître dans l'ex-Yougoslavie, atteignant 1.3 million, de sorte que cet exode est le plus important depuis la seconde Guerre Mondiale. L'effusion de sang et la souffrance humaine ont acquis des proportions apocalyptiques; les enfants, les femmes et les vieillards ne sont pas épargnés par ce drame affligeant. Le principe de destruction et de "purification" éthnique des régions au moyen de pogroms, révèle les plans d'exécution de la Grande Serbie, qui étend ses territoires comme précédemment en Croatie. La solidarité humaine exige que nous agissions immédiatement contre l'agresseur et aidions les victimes. C'est une des questions morales et un des impératifs catégoriques de notre temps. Il y a de graves pénuries de vivres en Bosnie-Herzégovine, et bientôt cela sera le cas en Croatie aussi. Par conséquent, nous appelons tous les gouvernements et organisations humanitaires à fournir une aide appropriée et sans délais aux réfugiés de ces pays. Les frontières des Etats démocratiques devraient être toujours ouvertes à ces gens accablés. Nous appelons tous les gouvernements et particulièrement les U.S.A. et les pays de la Communauté européenne à user de leurs influences et de leurs pouvoirs pour arrêter les attaques brutales des Serbes, majoritaires dans l'ex-armée yougoslave. Cette armée, en ses formes quelque peu masquées, agresse les Etats maintenant indépendants de la Croatie et de la Bosnie-Herzégovine. En conséquence, elle devrait être dissoute et son armement également anéanti ou placé sous le contrôle international. Les réfugiés et personnes déracinées devraient pouvoir retourner sans risques dans leurs foyers, en ces deux Etats assaillis. Leur droit humain primordial de vivre en leur propre demeure devrait être protégé internationale ment. Les guerres d'agression et les conquêtes territoriales sont inadmissibles, surtout en ce moment, lorsque de nouveaux horizons de coopération internationale se sont ouverts après la fin de la guerre froide. Nous appelons donc les gouvernements de chaque pays démocratique à exercer toute forme de pression efficace sur Belgrade, qui puisse. arrêter sa politique d'agression contre ses voisins et l'oppression de ses minorités. Sinon, des conflits régionaux plus étendus, des assauts et un surcroît de millions de réfugiés au Kosovo (Albanais), au Sand~ak (Musulmans) et en Voïvodine (Hongrois et Croates), semblent inévitables. Depuis que l'ex-Yougoslavie s'est désintégrée, les nouveaux Etats devraient être reconnus dans les mêmes conditions diplomatiques et devraient appliquer les mêmes principes, à savoir, si et seulement s'ils adoptent les droits de l'homme et font progresser les institutions démocratiques. Les droits des minorités doivent être strictement respectés. Les processus démocratiques dans ces nouveaux états devront être encouragés et soutenus par la communauté internationale en gage de paix et de stabilité dans les Balkans. Mai 1992 Signataires: 64 Prix Nobel LETTRE OUVERTE Les Appels se multiplient, mais quand viendra donc leur écho? Depuis la rédaction des Appels de l'Académie Croate des Sciences et des Arts (avril 1992), puis des Prix Nobel du monde entier (mai 92), la situation s'est tragiquement aggravée. Le nombre des refugiés ne s'élève plus à un million mais dépasse largement aujourd'hui les deux millions. Ils sont installés sommairement sur ce qui reste du territoire de la République croate. Presque tous les passages de frontières leur sont fermés. En vous communiquant ces textes, AMCA s'efforce de répondre à un impératif simple: ne pas trahir l'espoir que tant d'hommes et de femmes mettent en vous, intellectuels français. Ils méritent l'aide et le respect. Vous seuls pouvez édifier un ultime bouclier européen. Nous souhaitons témoigner d'une réalité en Croatie et en Bosnie-Herzégovine, si tendue dans les autres Républiques en danger, qu'un bain de sang infiniment plus atroce encore que celui de ces derniers mois _ pourtant déjà insupportable – deviendra inéluctable si la guerre n'est pas arrêtée. Son ampleur sera telle que l'Europe en sera ébranlée dans ses institutions et souillée dans sa conscience. Le texte de l'Académie croate des Sciences et des Arts ne recherche aucun effet pathétique. Celui des Prix Nobel hausse le ton. Le constat qu'ils dressent est aujourd'hui encore bien en-deça du réel. Il est impossible que les intellectuels français, individuellement ou par la voix de leurs institutions, ne tentent rien pour écarter cet abominable futur. Veronika DURBESIC, grande dame du théâtre croate, dont chaque parole et geste sur scène revèlent la présence émotionnelle, réalise sublimement l'indispensable condition de tout vrai art: une communion parfaite entre elle et le public. Nous avons eu la chance de l'applaudir à Paris lors du spectacle du 12 juillet 1992 "Le nocturne croate". M. Tomislav DUR BE SIC, son époux, mais aussi metteur en scène, écrivain et poète, l'accompagnait. Il écrit notamment, dans un de ses textes: "(...) tout cela est pathologique..." "Non, non! Ceci est le mal à l'état sobre, l'éclat du couteau à lame fine du monstre dont le plan clair dévoile la soif du sang, de la terre, de cette terre qui est la nôtre. (...) M. Krle!a, l'écrivain croate, l'avait dit aussi il y a déjà 70 ans : " tous les masques vont tomber/ entre les quatre planches noires laquées / là où les rois, tout comme les salauds, / scrutent la nuit de leur dernier repos." Tomislav Durbesic murmure: La moindre parcelle de notre terre devient le gouffre pour l'obus de votre canon, et redevient à nouveau cette vieille terre, si féconde." Ce spectacle de haut niveau où Veronika, d'un rôle à l'autre, a interprété aussi une scène de Dubravka, pièce du poète croate Gundulic, a été organisé sous le patronage du Ministère Croate de la Santé et de AMCA-Paris. Les fonds recueillis sont destinés aux hôpitaux croates. Y. S.Q. - Lors des visites estivales à Paris, pensez à faire un détour aux Invalides, où une plaque est déposée à la mémoire des Croates: A LA MEMOIRE DES REGIMENTS CROATES QUI SOUS LE DRAPEAU FRANCAIS ONT PARTAGE LA GLOIRE DE L'ARMEE FRANCAISE. Les Croates sont le seul peuple des Slaves du sud qui a combattu sous le drapeau français, dans la Grande Armée. - Pour que l'éclat des armes n'aveugle pas la raison, Stanko KRNET A a crée des sculptures, dont le thème, "Paix en 1992", recouvre une puissante conception plastique. Philosophe, pacifiste et ouvrier métallurgiste, l'artiste utilise comme matériau des éclats d'obus et d'armements divers, engrenés les uns dans les autres. Chaque sculpture est un message, et l'ensemble de l'exposition rappelle combien l'art croate d'aujourd'hui est au prise avec la guerre. Cet évènement a été présenté à la Faculté de Métallurgie à Sisak, dans le cadre de la visite sur le front des membres d'AMCA, lors des Journées de l'Université, début juin 1992. Y.S.Q. - « Les figures et les signes, symboles d'un vécu indélébile. Une guerre de conquête venue d'un autre âge: les Croates en sont les victimes. Avec dignité et courage ils donnent la vie pour la liberté de leur pays. La terre est chaude des corps tombés, humide du sang imbibé; les cheveux des enfants survivants ont blanchi. L'art du peintre Davor VRANKIC, dominé par ces événements tragiques, pénètre dans l'horreur: il exprime la pâleur de la terre dévastée et l'éclat des couleurs. de toutes les souffrances, avec une parfaite maîtrise de l'espace." Y.S.Q.
Directeur de la publication : Srecko Herceg Rédacteur: Yanka Stahan Quiot Lecteur: Nella Arambasin Adresse de la publication: AMCA. 77. rue de la Verrerie. 75004 Paris ISSN 1167-2099 Tous droits réservés. |